Lentilles-lignes-liens

Michaux  ce grand poète passé à la peinture ou ce grand peintre venu de l'écriture justifiait dans Emergences-Résurgences son incessant va-et-vient entre les deux médiums en ces termes :

"Moi aussi, un jour, tard, adulte, il me vient une envie de dessiner, de participer au monde par des lignes.

Une ligne plutôt que des lignes. Ainsi je commence, me laissant mener par une, une seule, que sans relâcher le crayon de dessus le papier je laisse courir, jusqu'à ce qu'à force d'errer sans se fixer dans cet espace réduit, il y ait obligatoirement arrêt. Un emmêlement, ce qu'on voit alors, un dessin comme désireux de rentrer en lui-même.

(...)C'est la peinture chinoise qui entre en moi en profondeur, me convertit. Dès que je la vois, je suis acquis définitivement  au monde des signes et des lignes. Les lointains préférés au proche, la poésie de l'incomplétude préférée au compte rendu, à la copie.

Les traits lancés, voltigeants, comme saisis par le mouvement d'une inspiration soudaine et non pas tracés prosaïquement, laborieusement, exhaustivement façon fonctionnaires, voilà qui me parlait, me prenait, m'emportait.

(...)Si je tiens à aller par des traits plutôt que par des mots, c'est toujours pour entrer en relation avec ce que j'ai de plus précieux, de plus vrai, de plus replié, de plus "mien", et non avec des formes géométriques, ou des toits de maisons ou des bouts de rues, ou des pommes et des harengs sur une assiette; c'est à cette recherche que je suis parti.

Difficultés. Enlisement. "

L'écriture photographique qui use de la lumière en lieu et place des outils du dessin ou de la peinture peut connaître les mêmes errances, les inévitables enlisements, éprouver les mêmes difficultés et se hasarder dans l'univers des surprises...

L'image photographique qui va suivre est issue de mes dérives récréatives...

Je vous l'offre en hommage à Michaux qui m'a appris entre autres que celui " Qui cache son fou, meurt sans voix".

Comments

[Fugitive]

J'adore ces délires de Michaux, ses êtres d'encre et de mouvement, en métamorphose ! Et ce ballet d'ombres que le soleil orientera à sa guise est enchanteur ! Je repasserai ici souvent ! Merci pour cette joyeuse inventivité !

[corinne]

Danse de la vie, immobile et pourtant toujours en mouvement, de là où emerge toute créativité...

[mohamed]

Bonjour. Je te remercie de ta visite sur kutub. A propos d'henri michaux, j'ai relu récemment le livre d'olivier rolin intitulé "Paysages originels" au seuil.

"Quelque part dans Méroé, mon avant-dernier livre, il m'est arrivé d'écrire que les lieux de l'enfance et de l'adolescence forment des paysages originels, géographiques et affectifs, dont personne ne s'évade jamais complètement. J'ai essayé de voir ce qu'il en était à travers la relecture de cinq grands écrivains (Hemingway, Borges, Kawabata, Nabokov et Michaux): comment les lieux de leur jeunesse apparaissent-ils dans leurs livres (ou en sont absents) et quelles empreintes secrètes et durables déposent-ils dans l'oeuvre ? Cette série de reportages, initialement parus dans Le Monde, se présente comme un triple voyage : dans les textes, dans l'espace - puisque je suis allé aux Etats-Unis, en Russie, en Argentine, etc. -, et enfin dans le temps. A travers ces enfances littéraires s'esquisse un portrait éclaté du monde d'il y a cent ans."

[mchicha]

l'image d'en bas est surprenante :
vivante je dirais ?!!
j'ai l'impression qu'ils dansent tes lentilles : elles se déhanchent; leurs ombres quant à elles dessinent leurs pas de danse sur le zelij ...

je m'éclipse et retourne à mes rêveries ... ;)

[Emy]

Salut Monsieur le photoeur de trouble!
J'espère que tu vas bien.
J'aime beaucoup ce que tes images et ce que tu écris. Et la petite phrase de fin me trouble.
Merci pour tes commentaires.
A bientôt!
Emy