A Bluetiful Day !
Je suis hanté. L'Azur! l'Azur! l'Azur! l'Azur!
Ces deux vers constituent la chute finale du poème célèbre de Stéphane Mallarmé : L'AZUR que je donne à lire dans son intégralité :
De l'éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poëte impuissant qui maudit son génie
À travers un désert stérile de Douleurs.
Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
Avec l'intensité d'un remords atterrant,
Mon âme vide. Où fuir? Et quelle nuit hagarde
Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant?
Brouillards, montez! Versez vos cendres monotones
Avec de longs haillons de brume dans les cieux
Qui noiera le marais livide des automnes
Et bâtissez un grand plafond silencieux!
Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
En t'en venant la vase et les pâles roseaux,
Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse
Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
Encor! que sans répit les tristes cheminées
Fument, et que de suie une errante prison
Éteigne dans l'horreur de ses noires traînées
Le soleil se mourant jaunâtre à l'horizon!
- Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours! donne, ô matière,
L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché
À ce martyr qui vient partager la litière
Où le bétail heureux des hommes est couché,
Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée
Comme le pot de fard gisant au pied d'un mur,
N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée,
Lugubrement bâiller vers un trépas obscur...
En vain! l'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa victoire méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angelus!
Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse?
Je suis hanté. L'Azur! l'Azur! l'Azur! l'Azur!
Commentant ce poème, Jean-Michel Maulpoix esquisse avec des traits arachnéens un premier portrait du poète en ces termes:
"Tel serait le premier portrait d'un Mallarmé exaspéré par le réel et dévoré par l'Idéal à un moment où celui-ci a épuisé ses noms d'emprunt: Dieu, peuple, progrès, Beauté même. L'Azur se réduit à son nerf : le « filigrane bleu de l'âme », tel qu'un peintre chinois en dessine la fleur sur des tasses de porcelaine. La poésie continue de réclamer autre chose, mais elle sait que c'est en vain, et pour rien. Mallarmé surgit au stade terminal du lyrisme romantique : il le mènera jusqu'à l'aphasie, après que Rimbaud lui aura fait rendre son dernier « couac »."
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