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16 juin 2007

La dolce vita

Aujourd'hui, je vous sers un poème issu des chansons à boire (Khamriyyât) d'Abû-Nuwâs, né vers 757 de l'ère chrétienne dans le sud-Ouest de l'Iran actuel pas loin de la frontière avec l'Irak, mort à Bagdad vers 815 et contemporain de Charlemagne...

Ce qui a fondé sa réputation, c'est sa poésie bachique et érotique. Ses poèmes chantent, entre autres, la joie de vivre et laissent transparaître un caractère de jouisseur et de libertin. Ce grand poète maudit a laissé derrière lui la réputation d'un incorrigible ivrogne et d'un homosexuel notoire...

Laisse le vent du Sud disperser la poussière

des campements détruits par le malheur des temps!

Mais au rude chameau laisse un arpent de terre,

pour qu'il puisse trotter dessus tout son content!

Là ne poussent que l'acacia et l'arbre à soie

et l'hyène et le chacal sont gibier de misère.

Des Bédouins, n'attends pas d'agrément,

quel qu'il soit,

car leur vie est aride comme le désert.

Laisse-les se nourrir du lait de bêtes maigres,

puisque, à leurs yeux, c'est le meilleur des aliments.

Et, lorsque le lait frais a tourné au lait aigre,

tu peux pisser dessus, sans inconvénient.

Mieux vaut un vin clairet, si agréable à boire

-courtoisement servi par un bel échanson-,

surtout s'il a longtemps mûri dans une jarre:

sans le secours du feu, on obtient sa cuisson.

Ce bon vin, on dirait qu'il gronde dans la jarre,

comme un curé qui marmonne devant la croix.

Tu le prendras des mains d'un garçon nasillard:

d'un petit de gazelle on reconnaît la voix.

Il a appris son art des soins de sa nourrice

et il s'épanouit, coquet et parfumé.

Quand il marche, on peut voir la lourdeur

de ses cuisses

et sa tunique se soulève à point nommé.

Qu'on lui donne du vin, pour qu'il se laisse faire

et dénoue, en jouant, ses pantalons bouffants.

Lors, prends-le dans tes bras, et tu seras content

de constater qu'il a tout ce qu'il faut pour plaire.

Ca, c'est la vie! Et c'est loin des tentes nomades...

C'est ça, la vie, et ce n'est pas boire du lait.

Qu'est le désert, auprès d'un merveilleux palais,

ou l'enclos à moutons -auprès des esplanades ?

Dame Censure, tu voulais me convertir ?

Désolé! Je ne tiens pas à me repentir...

Abû -Nuwâs (1998)Le vin, le vent, la vie. Actes Sud.

vieille_bouteille_w

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Commentaires
O
c'est très beau ces mots
L
vraiment, ça m'intepelle ce que vous écrivez, vous m' tuez avec vos expression et votre style, vraiment, c'est un énorme plaisir de tomber sur un blog pareil
T
Cher Mohammed,<br /> <br /> Il est fréquent que l'on attribue au Coran ce qu'il ne contient pas! Et pourtant il est fort simple de remonter à la source (au Coran) et de vérifier ce qui est avancé!<br /> Il en va ainsi de cette fameuse sourate qui porte le nom de "la table" [al mâ'ida]et qui dresse l'inventaire de ce que l'islam interdit:<br /> <br /> (4) "Les animaux morts, le sang, la chair du porc, tout ce qui a été tué sous l'invocation d'un autre nom que celui de Dieu, les animaux suffoqués, assomés, tués par quelque chute ou d'un coup de corne; ceux qui ont été entamés par une bête féroce, à moins que vous ne les ayez purifiés par saignée; ce qui a été immolé au autels des idoles; tout cela vous est défendu."<br /> (...)<br /> (92)O croyants! le vin, les jeux de hasard, les statues et le sort des flèches sont une abomination inventée par Satan; Abstenez-vous-en, et vous serez heureux.<br /> <br /> Voilà, dans ce verset coranique, nulle trace d'interdiction portant explicitement sur le vin (s'abstenir n'est pas interdire). <br /> En général, il est déconseillé au croyant de faire sa prière en état d'ivresse.<br /> <br /> Vérifiez vous même...<br /> <br /> Cela dit, je ne suis pas ici en train de faire l'apologie du vin! Ce n'est pas ma tasse de thé!<br /> <br /> Cordialement,<br /> Too Banal
M
En complément, je conseille la lecture du livre "Le vin mystique, et autres lieux spirituels de l'Islam" par Salah Stétié, éd.Albin Michel<br /> <br /> "Dans la sourate du Coran «La table servie», Dieu proscrit le vin aux fidèles, après une mise à l'épreuve des hommes non concluante. Pourtant, la boisson est très présente dans la mystique musulmane, elle interroge et fascine, comme en témoigne Al-Khamriya, texte du grand poète soufi Omar Ibn Al-Faridh. Faisant dialoguer toutes les mystiques, Salah Stétié souligne combien le vin est la substance qui lie la vie terrestre et l'au-delà - qu'il s'agisse du sang christique ou de breuvage des dieux. Au fil des sept textes de ce recueil, Salah Stétié évoque l'islam dans ses représentations spirituelles, poétiques et symboliques: les nuages, les jardins, la mer et la calligraphie comme métaphysique, les images de la reine de Saba... Il donne ainsi à saisir des mystiques musulmanes assez peu connues, détachées de toute la littéralité des interdits de l'islam." Clémence boulouque, Lire, mai 2004.
P
La liberté de ton, la qualité du texte, sa troublante contemporanéité suscitent immédiatemment l'intérêt. Les plus grands poètes du Moyen Orient, aujourd'hui, sont souvent ceux qui entrent en résistance et sont bien souvent contraints à l'exil. Merci pour ce texte magnifique
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