Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Photoeil
Photoeil
Publicité
Derniers commentaires
25 avril 2008

Dans l'étendue de la grande solitude

mehari

Quand je parcourus donc, et plusieurs fois, cette majâbat al-Koubrâ -littéralement : étendue de la Grande Solitude-, autrement nommée par d'autres (...), j'avais un but, selon moi essentiel et sans lequel aucun voyage n'a d'intérêt: l'étude scientifique. Et par là j'entends -mes carnets en témoignent- le ramassage systématique de tout artefact: insecte, plante, caillou ordinaire ou caillou dont la présence étonne, un répertoriage soigneux des roches, croquis descriptifs d'affleurements, dénombrement des cordons dunaires, puis aussi une numérotation efficace des échantillons prélevés, le compte rendu des températures, des heures de lever, de départ et d'arrivée, du nombre de traces de tel ou tel animal croisées, des quantités de boisson absorbées et restituées...Bref, de tout ce qui  constitue une vision scientifique du monde, jamais ou le moins possible dépendante de l'observateur, et se refusant systématiquement à tenir compte des états d'âme de celui-ci, de son degré de fatigue ou de ses velléités poétiques ou esthétiques dans des sites qui, fréquemment, mériteraient d'être plus accessibles aux peintres. Pour moi, cette étude scientifique que d'aucuns considèrent austère et charabiesque, est ce qui peut emplir un lieu vide à première apparence, donner un langage à l'indicible, enrichir un espace, si pauvre soit-il au premier regard et, cela n'est pas contradictoire, autorise parfaitement l'imaginaire, voire aide à le développer.

Théodore Monod (1996) Majâbat Al-Koubrâ, Actes Sud, Terres d'aventure, page 16

ecrit_ombre_20025

Publicité
Publicité
11 avril 2008

Le néant des paroles

neant_des_paroles

Le matin est ainsi, un nom
pour le monde, ouvrir les yeux comme
quelqu'un qui parle
Le temps ou la
mort diurne peuvent
donner aux yeux ouverts le néant des paroles

Le soleil sera alors
le silence dans le regard ou la main
sur le front
qui fait baisser les paupières
comme si les doigts donnaient à la tête la vérité
immergée de ce néant

et comme si le matin venait
non telle une ombre immense vêtir la voix
du corps
mais la recouvrir de la
lumière
des paroles manquantes

Gastão Cruz, Anthologie de la poésie portugaise contemporaine, Gallimard, page 272.

elegance_du_caractere

5 avril 2008

Alphabet du silence

alphabet_du_silence

Le silence qui subsiste entre deux mots

n'est pas le silence qui entoure une tête qui tombe,

ni celui qui nimbe la présence de l'arbre

quand s'éteint l'incendie vespéral du vent.

De même que chaque voix a un timbre et une hauteur,

Chaque silence a un registre et une profondeur.

Le silence d'un homme est différent de celui d'un autre

et ce n'est pas la même chose de taire un nom et de taire un autre nom.

Il existe un alphabet du silence,

mais on ne nous a pas appris à l'épeler.

La lecture du silence est néanmoins la seule durable,

plus peut-être que le lecteur.

*******

Poème de Roberto Juarroz

alphabet_du_silence_2

Publicité