Mille minuits d'Imilchil à midi
Au début des années 80, cela fait bien plus qu'un quart de siècle, j'avais effectué ma première virée au moussem dit des fiançailles d'Imilchil . Voyage en 4L et dans mon sac à dos un boitier Nikon FM et quelques films inversibles. Je viens d'ouvrir les archives photographiques des voyages et d'examiner de près l'état des diapositives pour me rendre compte de deux choses: 1- que le temps avait fait son oeuvre et que certains clichés ont bien souffert et 2- que les paysages de fin d'été dans cette région du haut Atlas étaient arides et bien chargés de poussière...Rien à voir donc avec les images récentes aux cimes enneigées , aux lacs bien pleins d'eau et aux parcelles cultivées éclatantes de verdure (voir ici ).
Nous avions marqué une halte thé dans le seul café donnant sur la place d'Imilchil. A l'intérieur, il y avait cette peinture murale représentant des lions de l'Atlas. Elle rappelle à s'y méprendre le lion qui figure sur une fameuse boite d'allumettes marocaine et qui comportait sur son dos une incitation à consommer marocain : " En utilisant les produits marocains, vous contribuerez à l'économie du pays".
A ce propos, notre contribution était garantie car ces fameuses allumettes made in Morocco refusaient le plus souvent de s'enflammer et faisaient en bonne place partie des 12 travaux de Superman : " Moi, le métier que j'aurais voulu exercer, c'est celui de Superman. Mais pas au Maroc, parce que Superman n'a aucune chance de réussir sa vie chez nous. Pourquoi ? Réfléchissez un peu: Superman débarque au Maroc et clame devant le peuple : " C'est moi le plus fort, je peux tout faire! Absolument tout!" N'importe quel Marocain pourrait lui répondre : " Si c'est vrai que tu es Superman et que tu peux tout faire, retire d'un seul coup le couvercle d'aluminium d'un danone et sans te mettre de yaourt velouté plein les doigts; arrache un sourire à l'agent de réception d'un hôtel et essaie de ne pas rugir de colère quand le même hôtel t'aura présenté la note de frais de téléphone; obtiens la flamme d'une allumette en frottant du premier coup le grattoir de la boite, et sans te brûler le bout du doigt; démarre au feu vert avant d'entendre le klaxon de la voiture qui se trouve derrière toi; parcours six mètres de trottoirs sans rencontrer un seul crachat, ou un mendiant; dis-nous la couleur des cheveux de la femme d'un barbu; trouve-toi un travail avec un diplôme de l'université de Tétouan; essaie de voyager avec un passeport marocain; empêche les prix de se transformer en fusée à l'approche du ramadan; déniche-moi un touriste à Tanger; cherche une calculatrice japonaise plus rapide qu'un épicier soussi; un camionneur qui mérite son permis; un policier obèse; un gendarme squelettique; un étudiant qui sait pourquoi il est en grève; un syndicaliste démocrate; un immeuble sans linge au balcon; un concierge consciencieux et travailleur; une chanson égyptienne qui réveille; un mouton à l'âge de la retraite; une eau minérale qui est plus qu'une eau de table; un assureur qui indemnise aussi vite qu'il encaisse; un syndic d'immeuble qui fonctionne; un chanteur marocain qui affectionne les marchands de cassettes; un cadre supérieur qui ne méprise pas son patron et inversement; un chirurgien qui ne dit pas: c'est grave, il faut opérer tout de suite; un mécanicien efficace et ponctuel; un coiffeur dépourvu de l'instinct de conversation." (Lotfi Akalay, Jours tranquilles à Tanger, 2000).
Rappelons après cette petite parenthèse humoristique, qu'il y a fort longtemps que le lion de l'Atlas n'est plus de ce monde. Seule sa dépouille fantomatique et inconsistante traîne un peu entre les pieds des joueurs de l'équipe de foot nationale dont le pseudo est justement "les lions de l'Atlas"...J'avais déjà évoqué cette question ici et là .
A l'époque, il n'y avait ni auberge, ni gîte, ni hôtels construits en dur. Les seules installations pour accueillir les touristes étaient ces tentes bleues que l'on voit sur certaines images. Nous avions bivouaqué à la belle étoile. Comme on le voit bien, les banderoles aux couleurs nationales quadrillaient et estampillaient l'espace festif. Il était impossible, en dehors des touristes arborant un imposant matériel photographique, de s'approcher de la scène centrale où se produisaient les troupes d'Ahidouss.
Pour l'occasion, on avait rafraîchi d'une nouvelle couche de teinture verte la boule à zéro du marabout sidi Ahmed Oulmghenni.
Les camions Ford rouges étaient les vrais dromadaires motorisés des pistes. Ils permettaient aux différentes tribus d'affluer vers le moussem qui est avant tout un lieu d'échanges commerciaux. Aujourd'hui encore, ces véhicules continuent à rouler leurs bosses le long des routes, des pistes et des cols de l'atlas.
Dans cette manifestation, le plus intéressant à mes yeux demeure encore aujourd'hui la vie qui anime les différents souks.
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