Pour ce printemps de la poésie, j'ai choisi un florilège de courts poèmes d'un poète que je porte en mon coeur: Armand Monjo. Toutes ces pépites sont extraites de son recueil " Dires Brefs " publié en 1989 aux éditions Rougerie.
Les illustrations données en regard n'ont pas été faites de façon ad hoc pour prolonger l'écho de ces poèmes. Elles correspondent à un exercice sans autre prétention que ludique, sans aucune retouche numérique et sans signification particulière...Je me suis juste amusé avec trois papiers froissés récupérés dans la corbeille...
Adieu
L'oiseau parti
la branche dit adieu
de la main
Amants
Tristes amants
désaimantés
Apprendre
Apprends du travailleur
l'économie du corps
de la danseuse
la liberté du corps
Atlas
Lignes horizontales
sur le flanc de l'Atlas
chaque village s'inscrit
en écriture arabe
Bonheur
Ne plus savoir
ce qu'il y aura après :
n'est-ce pas déjà
une approche du bonheur ?
Bourgeons
L'arbre transi de froid
me regarde
de tous les petits yeux rouges
de ses bourgeons
Contexture
Les nuances de verts
d'un olivier au repos
nous en apprennent plus
sur la contexture du monde
que le visage d'un banquier
en plein travail
Corbeaux
Mort je t'ai vue en plein été
implacable précise et lourde
dans un vol de corbeaux
Couleur
La couleur affirme et nie
la forme enlace
Couronne
Sur la pierre
la plus déshéritée
la couronne royale
d'un lichen d'or
Démocratie
Entre les vivants et les morts
pas question de démocratie
la majorité serait écrasante
Douceur
Sois doux avec les objets
ils te le rendront
Ecole
Surtout ne pas faire école :
tout au plus inciter à la marche
mais chacun sa route
Imagination
Pauvre imagination
trop laissée en friche
Pauvres enfants privés
de l'école du rêve...
Fête
La fleur
est le jour de fête
de la plante
Graine
La graine
écarte ses barreaux
pour laisser s'évader
la vie
Regards
Comme la paume de l'amant
sur le sein de l'aimée
posez votre regard
sur la peau du monde
Rouage
Entre dans la forêt
pour te sentir rouage
Science
La plus grande science
retarder la nuit
Sens unique
Rivière qui coule
amour qui passe
répètent que la vie
est à sens unique
Seul
L'oiseau
ne chante jamais
pour lui seul
Silence
Méfie-toi du silence des oiseaux :
c'est qu'un épervier plane
Temps
Passé dépassé
futur intérieur
présent pressant
Victoire
Vois dans la moindre fleur
une victoire
sur tout le reste
Imagination
Il faut imaginaimer
Nu
A la naissance
à l'amour
à la mort :
nu
Nuit
Les petits bruits
font la nuit immense
Orateur
L'orateur rythmait
sa fanfare de mots
à grands coups de tsymboles
Oui
Des mots ronds
comme une bouche
qui dit Oui
Pauvre
Vide qui ne sent pas
que tout est plein
pauvre qui ne voit pas
que tout est riche
Pessimisme
Pessimisme systématique :
alibi de paresse.
Supériorité
acquise au rabais.
Poésie
De la poésie
on n'a que la graine
Il faut du temps
de la terre et des larmes
Profit
Coupés de la vie
par l'obsession géométrique
du profit
Racines
Avec quelle économie de moyens
racines
vous faites éclater le roc !
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