Lentilles-lignes-liens
Michaux ce grand poète passé à la peinture ou ce grand peintre venu de l'écriture justifiait dans Emergences-Résurgences son incessant va-et-vient entre les deux médiums en ces termes :
"Moi aussi, un jour, tard, adulte, il me vient une envie de dessiner, de participer au monde par des lignes.
Une ligne plutôt que des lignes. Ainsi je commence, me laissant mener par une, une seule, que sans relâcher le crayon de dessus le papier je laisse courir, jusqu'à ce qu'à force d'errer sans se fixer dans cet espace réduit, il y ait obligatoirement arrêt. Un emmêlement, ce qu'on voit alors, un dessin comme désireux de rentrer en lui-même.
(...)C'est la peinture chinoise qui entre en moi en profondeur, me convertit. Dès que je la vois, je suis acquis définitivement au monde des signes et des lignes. Les lointains préférés au proche, la poésie de l'incomplétude préférée au compte rendu, à la copie.
Les traits lancés, voltigeants, comme saisis par le mouvement d'une inspiration soudaine et non pas tracés prosaïquement, laborieusement, exhaustivement façon fonctionnaires, voilà qui me parlait, me prenait, m'emportait.
(...)Si je tiens à aller par des traits plutôt que par des mots, c'est toujours pour entrer en relation avec ce que j'ai de plus précieux, de plus vrai, de plus replié, de plus "mien", et non avec des formes géométriques, ou des toits de maisons ou des bouts de rues, ou des pommes et des harengs sur une assiette; c'est à cette recherche que je suis parti.
Difficultés. Enlisement. "
L'écriture photographique qui use de la lumière en lieu et place des outils du dessin ou de la peinture peut connaître les mêmes errances, les inévitables enlisements, éprouver les mêmes difficultés et se hasarder dans l'univers des surprises...
L'image photographique qui va suivre est issue de mes dérives récréatives...
Je vous l'offre en hommage à Michaux qui m'a appris entre autres que celui " Qui cache son fou, meurt sans voix".