Virée dans le haut Atlas: épisode 6
Après le petit lac de Tislit, nous avons entamé la montée vers le col. Ascension aisée car la route est goudronnée et bien entretenue. Au débouché sur le col, nous avons été saisis, fascinés et sous le charme d'une voix féminine, aérienne, aux cordes vocales puissantes et qui chantait en berbère: "Dans les montagnes de l’Atlas, qui s’étendent sur une vaste superficie du territoire du Maroc avec une diversité qui donne des complexes aux géographes et aux ethnographes, c’est tellement vaste et complexe, les chants et les rythmes sont au quotidien souvent les relais privilégiés des gestes du travail : labeur, moisson, vannage, moulage, cuisson du pain, toison, construction, montage d’une tente.... "(lire la suite ici).
Ce chant a cappella auquel faisaient échos toutes les cimes environnantes, nous parvenait depuis l'adret de la montagne. En fait, il s'agissait de quatre femmes qui montaient avec leurs chargements sur le dos.
Nous avons échangé quelques paroles amicales. Elles sont allées un peu plus loin de l'autre côté de la route, elles ont déposé leurs sacs et elles sont revenues nous parler. D'entrée de jeu, elles nous ont fait comprendre qu'elles ne cherchaient ni argent ni fruits ni bonbons mais juste casser la routine en parlant un peu avec nous. La plus jeune, la vingtaine (mais qui paraissait bien usée pour son âge) nous a expliqué qu'elles descendaient dans la vallée chercher de l'herbe pour nourrir les troupeaux restés sur les hauteurs et qui ne sortaient plus en raison de la neige.
Nous n'étions pas loin de la journée du 8 mars. Et cela nous a rappelé la rude vie et les peines au quotidien de la femme berbère. Tout le long de ce voyage, la beauté des paysages ne pouvait passer sous silence la condition de ces femmes qui triment à longueur de journée dans les champs, à ramasser du bois, à laver le linge dans la rivière...en plus de toutes les tâches au foyer...Dans l'Atlas, Sisyphe est incontestablement une femme.
Notre ami Gérard n'en revenait pas de les voir débouler les pentes abruptes avec une aisance extraordinaire! Il n'en revenait pas de les voir chanter en dépit de leur dur labeur. En fait, les paroles de leurs chants décrivent sans détour l'enfer de leur sort...Cela ne va pas sans rappeler certains poèmes poignants de cette grande poétesse de la Tassaout qu'est Mririda N'Aït Attik
Après le col, le paysage a radicalement changé. Les arrêts photos s'étaient multipliés car la palette des couleurs qui s'offrait à nos yeux coupait le souffle.
Arrivés au niveau de la rivière, celle-ci était gonflée et chargée des alluvions ocres arrachées par un orage lointain. Les maigres cultures s'accrochaient à la moindre parcelle gagnée sur ses méandres.
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