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17 novembre 2007

LA TESSITURE DE LA TASSAOUT

a yadrar mqqurn, kullu iugrn idrarn d kiyi

ikka k d ugharas uflla, lkibr iharm

O la pente la plus haute, le chemin te passe dessus !

Evitons le pêché d'orgueil (sagesse berbère)

Je vous invite à une balade dans les hauteurs de l'Atlas et plus particulièrement dans la vallée de la Tassaout, pays de la célèbre poétesse Mririda dont voici deux poèmes:

Comment aurais-je le temps…

Comment aurais-je le temps d’écouter mon cœur

Qui voudrait me parler de celui que j’aime,

De celui qui ne sait pas que je l’aime tant…

Idder n’a pas vingt ans et je les ai à peine.

Je n’ai pas un seul soir pour lui ouvrir mon cœur.

Le travail sans arrêt occupe tous mes jours.

Comment aurais-je le temps de songer à l’amour ?

Il y a le grain à moudre et les vaches à traire,

La cruche à la source et le feu des repas.

La journée est trop courte pour la besogne à faire.

Il y a l’herbe aux champs et le bois en forêt,

Le pain à cuire et le linge à la rivière.

Et morte de fatigue, je m’écroule le soir…

L’aurore est loin encore lorsque je me lève

Et la nuit faite depuis longtemps quand je m’endors…

Quand aurais-je le temps de songer à l’amour ?

Que veux-tu… ?

« …Que veux-tu, fille du village d’en bas,

Pour m‘accorder ce que tu penses ?

On dit que tu n’es point farouche

Et moi aussi je rêve de ton étreinte.

Voici ma seule pièce d’argent, la seule.

Le colporteur te vendra le savon parfumé,

Un peigne, un miroir, que sais-je ?

Par mon cou ! De Demnat, si tu veux,

Je te rapporterai un foulard de soie !

- Qu’ai-je besoin, fils des hauts pâturages,

De pièce d’argent ou de foulard de soie !

- Alors, dis-moi ce que tu désires

Pour m’accorder  ce que tu penses,

O jolie fille du  village d’en bas.

Devrais-je donc te proposer mariage ?

- Mon rire éclate, fils des hauts pâturages !

Ni d’argent ni de foulard je ne me soucie,

Et encore bien moins de mariage…

J’attends de toi ce que tu attends de moi

Et, satisfaits tous deux, nous serons quittes.

Ce que je veux, musculeux fils des pâturages,

Ce que je veux, c’est l’abri de ce buisson

Où tu seras sur ma poitrine tendue

En un moment de bonheur plus doux que le miel,

Tandis que mes yeux se perdront dans le ciel ! »

Les_chants_de_la_Tassaout

Ces poèmes de Mririda N'aït Attik  à l'origine en langue berbère tachelhit ont été traduits par René Euloge, voyageur français des années 20, et publiés aux éditions Belvisi en 1992 dans un livre magnifié par des photographies et qui porte un titre mélodieux " Les chants de la Tassaout".

Présentation : « Dans leur simplicité, leur rudesse et leur sincérité, ces chants venus de la vallée de la Tassaout enclavée dans le Haut Atlas, parlent de la Femme, de l'Homme, de la Terre avec une telle authenticité, une telle vérité qu'ils abordent l'Universel.
Au centre des récits, chants et poèmes, se trouve l'Amour dans sa fougue, sa brutalité, son ardeur avec en contrepoint le cri de la liberté de la prostituée-poète Mririda.
Autour de ce thème, viennent se greffer la violence du rapport homme-femme, leur lutte quotidienne contre une nature hostile et omniprésente et la pesanteur de la tradition de ces "populations demeurées ignorées jusqu'au début de ce siècle ayant échappé à tout contact avec le reste du monde et ayant conservé mœurs et coutumes ancestrales".
Trois protagonistes rendront compte de cet univers et de la charge poétique de ces textes. Le jeu entre ces trois personnes sera ponctué par la tendresse, l'ironie, l'indifférence, le rejet. Au centre, la femme-mémoire se confiera à Mririda, évoquant le plaisir, l'attente, le mépris, la fierté.
En contrepoint de cette présence féminine, se tiendra l'Homme tour à tour amant, amoureux évincé, étranger, passant. » (extrait d'un article du Le Temps du Maroc)

« René Eutoge fut sans doute, au début des années 20, le premier étranger à parcourir les régions reculées du Grand Atlas, ses plus hauts sommets et ses plus profondes vallées . Par son talent original et vigoureux, René Euloge, peintre, a su nous faire connaître dans ses aquarelles lumineuses et pleines de poésie les aspects saisissants du Haut Atlas, les coutumes des habitants, nous fait participer en quelque sorte à leur existence quotidienne, celle d'autrefois souvent épique mais non moins dure d'aujourd'hui. » (présentation du Mincom)

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12 novembre 2007

Surprise du jour

Il y a une papeterie dans le centre-ville, à cinq cents mètres de l'hôtel. Elle est minuscule. Quatre stylos, deux images pieuses et trois livres poussiéreux en vitrine. Je pourrais entrer dans la grande librairie en face, mais non, je préfère celle-là : là où il y a moins, je trouve plus. Je viens d'acheter, en même temps qu'une rame de papier blanc, une reproduction d'une peinture de Turner. Je ne l'aurais sûrement pas remarquée dans la grosse librairie. Un paysage de bord de mer. Un mélange de lumières, les unes boueuses, les autres aériennes. Cette image est parfaite. Je l'ai appuyée contre le mur, sur la table. Elle me sert de miroir.

lumiere0003

Quand la lumière, la vraie, celle que les peintres désespèrent d'attraper, glisse chaque matin entre les fentes des volets, elle vient rayer le mur au-dessus de ma tête, dans le lit. Ouvre, elle me dit, ouvre vite, il y a une surprise pour toi. La surprise c'est un jour de plus, différent de tous les autres. J'ai l'oeil aiguisé sur les détails, je sais voir les petites singularités, je ne sais même voir que ça.

Christian Bobin (1995), La folle allure. Roman. Gallimard

7 novembre 2007

L'appel des hauteurs

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25 octobre 2007

Nuances

"Car nous voulons la nuance encor,

Pas la couleur, rien que la nuance."

Paul Verlaine

nuances

19 septembre 2007

Pop Art

Je vous ai parlé dans le post précédent de cette petite localité située à l'entrée du haut Atlas central et qui porte un joli nom bien sonore : Wawizaght. En déambulant dans son souk hebdomadaire, je suis tombé sur ce marchand de pop corn à l'étal multicolore!

wawizaght_souk

Cliquez sur l'image pour la voir en plus grand !

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7 septembre 2007

Les îles flottantes

Non, il ne s'agit point d'un dessert sucré et parfumé à la vanille ! L'image nous montre un jeu découvert en juillet dernier à la faveur d'une halte au souk de Wawizaght jolie bourgade située dans le haut Atlas central...

Le jeu consiste à lancer une piécette de vingt centimes (la monnaie locale est le dirham et un Euros vaut 11 dirhams par excès ou par défaut) sur les îles qui flottent dans la bassine remplie d'eau tout en espérant qu' elle va tomber juste sur l'une des rondelles et y adhérer ! En effet, après avoir observé les maintes tentatives des joueurs, je peux dire que cela s'apparente plus à un jeu de bataille navale  car très souvent c'est "touché-coulé" ! Il y a 95 fois plus de pièces qui finissent au fond de la bassine que sur le dos lisse d'une île !

Quand l'entrepise est couronnée de succès, le gagnant tourne la rondelle pour évaluer le montant de son gain! Celui-ci est déterminé par le coefficient multiplificateur peint sur le dessous de la rondelle!  Si le nombre inscrit est par exemple un 10, le gagnant empoche dix fois la valeur de la pièce jouée !

L'un des amis qui m'accompagnait s'est risqué au jeu! Eh bien, la pêche n'a pas été bonne !

iles_flottantes

14 juillet 2007

La camisole des sources

regard_de_pierre

(...)

Troublé et réduit à l'impuissance

Comme un oiseau tombé dans l'eau

Je m'accroche aux boucles de mon ombre

bercé par les vents les appels de l'aube:

Je ramasse les larmes de la défaite

L'archipel du commencement m'assaillit

Je trébuche sur le bruissement des mousses.

Forêts de rubis, soldats,

Restes de crânes et sabots

Je grimpe sur le toit de mon ciel

A l'écoute des confessions des oiseaux exhalant

Leur tristesse dans les nues.

Peut-être leur voix reviendra-t-elle dans mon sommeil

Ou mon feu s'illuminera-t-il dans les rides de la parole

Alors nous volerons de concert

Vers cet être ravageant mon coeur comme un ouragan

Qui se transformera en murmures de mon sang

Me prendra au dépourvu

Et donnera aux poussières de la honte

Son visage égal aux diamants

Ses sourcils, résonance de la splendeur

Sa gorge, été exhalant des troupeaux d'étoiles

Ses doigts, lunes

Ajournant leur exil dans l'accolade

Je plie sous la charge d'une roue tissée de soie

Il dit:

Labourez mon corps

j'ai voué mes noms au cierge de la vallée sacrée

Et offert mes montagnes et mes lumières

Aux fruits de l'incendie.

O lubricité nue

Conduis-moi vers le radeau de conque

Pour qu'il me transporte au pôle des lanternes

Et couvre mon corps de bracelets magnétiques

A son contact mousseux.

Il me disperse en flammes et se perd

Dans les passages de cendres.

Le calice sanglote sur la table des repentis

Un bruit de fleuve m'entraîne vers sa dernière demeure

Où l'eau de cristal m'enveloppe de ses cils de neige

Les baisers s'éloignent laissant leurs échos dans les gorges

Nous parcourons le rivage de la blessure

Et nous tombons sur les pointes des lances

Nous reprisons la camisole des sources

Et le soleil des désirs

Nous nous multiplions dans les grottes de la solitude

Et la ville comme une îcone court derrière moi.

L'espace est une constellation

Le soleil une grenade qui replie ses franges au couchant

Et les conclusions, des cris muets dans les couloirs de cendres.

regard_de_rouille

Le poème est un nuage

Qui se pose sur mon épaule

Et il m'avale furtivement

Au bout de la route.

Driss Boudhiba, La Tristesse des herbes et des mots (en arabe)

Cet extrait du poète algérien Driss Boudhiba se trouve dans sa traduction française dans :  Le poème arabe moderne. Anthologie établie et présentée par Abdul Kader El Janabi et préfacée par Bernard Noêl, 1999, Maisonneuve & Larose.

Vous pouvez accéder à la totalité des poèmes de cet ouvrage en cliquant tout simplement ici

8 juillet 2007

Petites notes sédatives du tilleul

Tilleuil

(...)

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin!

L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière;

Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -

A des parfums de vigne et des parfums de bière...

(Rimbaud, "Roman", oeuvres poétiques )

Tilleul_bis

29 juin 2007

Le chant a cappella de la vie

photoeil

L’or des jours

On a chanté la ville ses éclats
de voix de lumière de rire
on a chanté ses peuples
ses cours ses miracles

le tremblement de l'eau
de l'oiseau ou de l'herbe
la lente sauvagerie végétale

la Beauté de tout bord
et on l'a injuriée.

On a chanté les labyrinthes
où se perd le chanteur
qui se cherche et se plaint

le moi ses mille et un mensonges
ses manies ses petites morts
et sa langue mielleuse

l'intervalle divin du silence
le soupir dans lequel s'épanouit
le sourire du bouddha

Tous les chants sont usés
mis en boite
en cubes en disques en vers
réduits développés chiffrés
déchiffrés
criés balbutiés éructés
ânonnés
archivés

reste
l'enfantine la claire
l'obscure
nécessité de chanter

                            chaque instant veut l'éternité du chant

Je chanterai l'olivier stérile
penché sur l'abîme aux pentes vertes
je descendrai
             entre les châtaigniers
                                les chênes,
                                            les ronces
                                                    les bouleaux
et tous les entrelacs végétaux anonymes
unis pour entraîner les anciennes terrasses de pierre
que les hommes d'autrefois avaient maçonnées de leur sueur

j'irai jusqu'au cours d'eau
qui ne voit jamais le soleil

Je chanterai le cocotier velu
ses palmes jaunissantes
sous sa tête verte

Je chanterai le figuier célibataire
un peu plus haut chaque année
ses fruits à peine formés qui
tombent au sol et je chanterai ses racines
qui préparent en secret
l'effondrement de la maison

je chanterai le pêcher frêle
que ses quatre pêches épuisent

le laurier sombre et parfumé
qui descelle pierre à pierre l'ancien mur

je chanterai le rosier survivant
sans fleurs sans feuilles
branche sèche dans la terre
lançant dans le ciel
de jeunes tiges vertes
hautes et presque nues

la sauge nouvelle
lentement jaillie
d'un pied qui paraît mort

le citronnier en pot
qu'on rentre pour l'hiver

je chanterai aussi
le bourdonnement des insectes
la chute brutale et prématurée d'une figue
je chanterai le chant
des oiseaux leurs pépiements
leurs gazouillis leurs cris leurs croassements
le chant des cigales
le chant du vent
le saut du chat dans l'herbe sèche

et tant pis si nos bras
sont trop petits les mots
trop rares trop
pauvres pour embrasser
l'étendue et la multiplicité
d'une seule seconde
de perception

même si
mon chant passe aussi vite
que ce qu'il chante

même si
nul ne l'écoute jamais

même si
je dois chanter sans bouche
sans voix sans art
sans mot presque
je chanterai
chaque aujourd'hui

Marie-Florence Ehret, L'or des jours, Dumerchez.

24 juin 2007

Le chasseur d'images

Il saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son coeur pur, son corps léger comme un vêtement d'été. Il n'emporte point de provisions. Il boira l'air frais en route et reniflera les odeurs salubres. Il laisse ses armes à la maison et se contente d'ouvrir les yeux. Les yeux servent de filet où les images s'emprisonnent d'elles-mêmes.

La première qu'il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.

Il prend ensuite l'image de la rivière. Elle blanchit aux coudes et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d'argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.

Il lève l'image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d'une alouette ou d'un chardonneret.

Puis il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats. Vite imprégné de parfums, il ne perd aucune sourde rumeur, et, pour qu'il communique avec les arbres, ses nerfs, se lient aux nervures des feuilles.

Bientôt, vibrant jusqu'au malaise, il perçoit trop, il fermente, il a peur, quitte le bois et suit de loin les paysans mouleurs regagnant le village.

Dehors, il fixe un moment, au point que son oeil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l'horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.

Enfin, rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s'endormir, il se plaît à compter ses images.

Dociles, elles renaissent au gré du souvenir. Chacune d'elles en éveille une autre, et sans cesse leur troupe phosphorescente s'accroît de nouvelles venues, comme des perdrix poursuivies et divisées tout le jour chantent le soir, à l'abri du danger, et se rappellent au creux des sillons.


Jules Renard : Histoires naturelles

chasseur_images

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