Pas même un grain de quartz dans le sable
Comme je vous l'avais signalé dans un billet précédent,
le désert peut être exceptionnellement bien arrosé par les pluies et
fleurir de toute beauté. Mais, ce n'est pas toujours le cas. Sur la
durée, c'est l'eau qui fait cruellement défaut. Mais il arrive que des
pluies diluviennes suivies de tempêtes emportent tout sur leurs
passages. C'était le cas dans la nuit du 26 au 27 mai 2006. Plusieurs
maisons et auberges furent rasées de la carte. On peut se faire une
idée de l'importance des dégâts ici.
Les images qui vont suivre ont été faites fin décembre 2008. Elles
montrent ce qui reste d'une auberge de charme qui était tenue par une
italienne. On peut apprécier l'état des lieux avant la catastrophe ici . Il était question de restaurer ce riad courant 2007 mais la propriétaire a fini par jeter l'éponge et regagner l'Italie.
Pour entrer en résonance avec les images, j'ai emprunté, avec son aimable accord, un poème de Nicolas Vasse intitulé : Symphonie n°1 Troisième mouvement : Le Chaos
A l’origine un seul instant tordait son feu sur
diverses latitudes
A l’origine l’ombre n’existait pas le noir ne
portait ni son nom ni sa robe
A l’origine une pupille de lumière une fissure dans
l’unité
Alors l’on c’est-à-dire nous les hommes nous nous
emballons
Nous sans autres désirs que d’être sans mort nous
pensons
Au paradis à l’enfer à l’entre-deux ou même au vide
au noir
A l’origine l’ombre n’existait pas le noir ne
portait ni son nom ni sa robe
Mais de tant de siècles de tant de naissances et de
morts de tant de nous
Il ne restera pas même un grain de quartz dans le
sable pas même une larme dans la mer
A l’origine une pupille de lumière une fissure dans
l’unité
Le soleil laissera tant de nous l’ombre couvrira nos
mots d’une grande seconde
D’une escorte de tempêtes d’éclairs et de nuages
gonflés furieux
Mais de tant de siècles de tant de naissances et de
morts de tant de nous
Il ne restera pas même une langue pas même une
pensée pas même un système
A l’origine un seul instant tordait son feu sur
diverses latitudes
Sans cesse paroles sincères peu ou prou peu importe
sans cesse des mots perdus
Des mots sans parents des mots orphelins sans cesse
ils veulent y revenir
A l’origine à l’instant de lumière des mots d’enfants
sur un linceul déjà pendu séché
Sans cesse volubiles dans une toile de rues dans un
chagrin de désespoir et perdus
Des orphelins qui pleuraient l’origine le tout la
matrice des mondes le premier son
Dans ce silence de fou de ruines de châteaux lactés
de mines à ciels ouverts
Dans ce silence de moribonds ils parlaient de
mystères de clés d’énigmes
Des orphelins cherchaient un sens et des mots où
jeter leur rêve du premier son
A l’origine un seul instant tordait son feu sur
diverses latitudes
A l’origine l’ombre n’existait pas le noir ne
portait ni son nom ni sa robe
A l’origine une pupille de lumière une fissure dans l’unité
Quelques danseurs naissent différemment loin de la
douleur loin de l’angoisse
Quelques danseurs amènent un ventre rayonnant un
soleil parmi les astres
Quelques danseurs éclatent de rires et lancent des
instants de lumière
Ils jouent d’instruments exotiques et passionnants
ils jouent différemment
Et sous un arbre à l’abri les millions d’orphelins
écoutent et se rappellent
Ecoutent et entendent le seul secret et la seule
musique du premier son
Ils jouent d’instruments à vents et à cordes et les chevauchent
comme mages mongols
Ils dansent aux yeux de tous et tendent des millions
de mains des millions de cœurs
Comme autant de traits à l’éclat de rubis dans l’ombre
qui avance une robe si noire
Les pierres remplissent les cascades l’eau meugle
infernale se disperse en terre
Les pierres démunissent les montagnes les temples
les coffres à jouets
Les pierres se dévissent s’en vont laissent passer l’air
sereinement roi
Les oiseaux tus le silence apparaît intangible et
végétal
Alors l’on c’est-à-dire nous les hommes nous nous
emballons
Nous sans autres désirs que d’être sans mort nous
pensons
Au paradis à l’enfer à l’entre-deux ou même au vide
au noir
Quand nous ne serons plus quand la pluie lavera nos
restes
Nous ne penserons plus nous serons nullipares
Nous sans autres désirs que d’être sans mort nous
saurons
Qu’à l’origine il y avait un silence avant la
symphonie
Rien de plus et nous errerons orphelins curieux
abrutis
Nous dandinerons allègrement d’en savoir un peu plus
Sur cette danse au ventre rayonnant nous nous emballerons
Des confiseries aux couleurs de printemps et d’été
Des alcools d’hiver et des souvenirs d’automne
Sur cette danse au ventre rayonnant nous nous panserons
Mais de tant de siècles de tant de naissances et de
morts de tant de nous
Il ne restera pas même un grain de quartz dans le sable pas même une larme dans la mer
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